mercredi 14 décembre 2011

Souvenirs d'un bidonville à Barcelone.

 



    Je ne suis pas sénégalais, je ne suis pas ivoirien  du sud ni du nord, je ne suis pas non plus burquinabé, rien de tout cela.  Je suis Africain,  nègre entouré de mes frères nègres. Apatride, mon cœur sonne la révolte. Je suis l’enfant d’Afrique perdu à Barcelone, busco la vida. Décembre, il fait froid. Sin electricidad par ordre de l’état, par ordre des nantis. Si tu franchis la porte de mon nid de misère je t'offre une chaise, je te donne à boire et à fumer ainsi qu’un coin de feu pour te réchauffer. Si tu écoutes je t’explique d’où je viens, d’où je reviens. Je t’ouvre les yeux sur la misère, sur l’homme. Je t’apprends ma langue, le wolof et nous communiquons. Orateur sublime, grio ancestral je te raconte, je t'apprends. Je voyage à tes côtés, porté par la torpeur de l’alcool et de  la maria qui délivre ma parole, chevrotante de rage, d'avoir la conscience de ma condition d'homme traqué, blessé, humilié, fatigué.  Dans le scintillement des flammes et la chaleur d’un verre, je te dévoile mes blessures, ma fierté et de quelle manière, dans une barque de désolation  j’ai donné à la mer les corps de mes compagnons, car l’odeur de la pourriture était insupportable, parce qu’il fallait survivre.  Je te jette au visage  mes quatre frères également morts dans une barque de fortune qui menait à leurs songes, à leurs espérances. Je te conte  comme nous sommes nombreux et comme je me sens seul ce soir, loin de chez moi, pour que tu saches.

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