J’ai quitté Torrassa aujourd’hui. Cela fait une semaine que je vis à Barcelone, calle Llanca. J’ai vu déambuler sous mes yeux la facette d'une ville que les touristes soupçonnent à peine. Torrassa c’est le quartier des émigrés d’Amérique du sud. On y parle un espagnol suave, qui coule dans la gorge comme une liqueur. C’est une langue faite de sucre, d’huile et de soleil que l’on entend sur les trottoirs sales à l’odeur d’urine, de poubelles et de Marie-Jeanne. Le catalan n'y existe presque pas. On y mange un riz parfumé aux épices d’Inde tout en écoutant du merengue et de la bachata On peut voir, dans le parc aux oiseaux, des enfants se promener avec des perruches sur l’épaule. Torrassa c’est le Barbès de Barcelone. Ce n’est pas la misère mais la vie y est dure. Le chômage et le racisme sont à chaque coin de rue. J’ai vécu dans une sorte d’appartement communautaire, partagé par deux familles d’équatoriens, une bolivienne et un colombien de mon âge. Ce sont des gens très accueillants, très croyants également. Je me suis endormi chaque nuit à la belle étoile dans le patio de l'appartement, veillé par le bruissement du linge qui sèche et s’étale largement sur les fenêtres de l’immeuble, tel des voiles se décrochant de leurs navires.
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